Publiรฉ au dรฉbut de l'annรฉe 1759, quelques semaines aprรจs le Candide de Voltaire, ce conte philosophique du pieux anglican Docteur Johnson (1709-1784) attira l'attention du public par sa similaritรฉ de composition avec la brillante satire du malicieux dรฉiste franรงais. Aucune imitation pourtant n'a eu lieu, il s'agissait d'une pure coรฏncidence : si les deux oeuvres se rejoignent sur le constat que la somme du malheur dans le monde semble l'emporter sur celle du bonheur, elles diffรฉrent significativement quant ร la conclusion pratique qu'il convient aux hommes de tirer de ce triste fait. Tandis que pour Voltaire, il faut se contenter de cultiver ici-bas son jardin, sans chercher ร se rendre compte du but de l'existence, pour Johnson, l'รฉchec inรฉluctable de la recherche du bonheur terrestre doit nous guider vers l'attente de l'immortalitรฉ. A proprement parler, Rasselas n'est pas un ouvrage d'apologรฉtique chrรฉtienne, on n'y trouvera pas un seul mot de l'รvangile. Cependant l'auteur l'a รฉcrit dans un but chrรฉtien, que l'on peut rapprocher de celui de l'Ecclรฉsiaste, livre de la Bible en apparence profondรฉment pessimiste, mais qui exerce sur l'รขme un puissant effet prรฉparatoire, en la persuadant de la vanitรฉ de ses efforts pour trouver la fรฉlicitรฉ dans cette vie, et en orientant ses regards vers le Crรฉateur et Juge de toutes choses. Cette numรฉrisation ThรฉoTeX reproduit la traduction de Madame Marcellin de Fresne, parue en 1846.