Troisième opus de son Cycle de la nature, La vie des termites est peut-être pour Maeterlinck celui qui puise le plus dans la noirceur de la création. Allant à la rencontre de ces espèces, exotiques pour la plupart, parfois plus proches de nos latitudes, à qui la nature n'a semble-t-il pas fait de cadeaux, il dresse le portrait de dynasties ayant dû tout sacrifier pour éviter l'extinction. Il ne semble pas plus cruel destin à l'échelle de l'espèce que cet auto-confinement sous la terre dans une prison scellée de l'intérieur, que ces affrontements répétés avec l'ennemi séculaire la fourmi (à qui sera consacré l'ultime tome de son cycle), que ce communisme de l'œsophage et des entrailles, poussé jusqu'à la coprophagie collective. Et pourtant. Comme avec les abeilles et les fleurs, Maeterlinck se sert de la vie invisible qui grouille autour de nous comme d'un miroir tendu à l'humanité, cet insecte à l'échelle de l'univers et abritant combien de galaxies microbiennes au sein de son propre organisme. Les enjeux de survie, d'évolution voire de manipulation génétique, de construction politique ou d'aristocratie sont communs. Et cette épopée documentée, que l'on croirait écrite d'aujourd'hui, mais dont la justesse d'écriture et la profondeur de champ va au-delà du seul essai scientifique, nous éclaire toujours autant quant aux modèles d'anticipation de nos destinées inquiètes.